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« Grandir ensemble : Réflexions d’un nouveau médecin sur la médecine familiale », entretien avec la Dre Si Jia Wang

Dr. Si Jia Wang

La Dre Si Jia Wang est un médecin de famille récemment diplômée qui a terminé sa formation à la faculté de médecine et au programme de résidence en médecine familiale de l’Université de Toronto. Elle se consacre à prodiguer des soins de qualité à ses patients à Creditview Medical, tout en poursuivant ses passions pour la santé des femmes et l’éducation médicale. En tant que tutrice des compétences cliniques, la Dre Wang espère aider la prochaine génération d’étudiants en médecine à devenir des médecins axés sur l’excellence et la compassion.

Q : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir médecin de famille?

J’ai commencé à m’intéresser à la médecine au secondaire. En tant que Canadienne de première génération, avec des parents immigrés et ma grand-mère vivant avec nous, je me suis souvent retrouvée dans le rôle de traductrice pour notre famille, en particulier pour les questions de santé. Je me souviens notamment d’un incident où ma grand-mère s’est évanouie et où j’ai dû l’emmener aux urgences. Après une nuit d’examens et de consultations, j’ai été frappée par l’attention et le réconfort apportés par un médecin en particulier. Ses paroles réconfortantes et son intérêt sincère m’ont fait prendre conscience de l’impact que les médecins peuvent avoir sur la vie des gens. Cette expérience, combinée à mes années de traduction d’informations médicales pour ma famille, m’a donné envie de poursuivre des études de médecine.

Q : La diversité ethnique a-t-elle joué un rôle dans la constitution de votre clientèle de patients?

Absolument. J’ai été le témoin direct des difficultés que rencontrent les familles immigrées, y compris la mienne, pour s’orienter dans les systèmes de santé. Les barrières linguistiques et les différences culturelles peuvent rendre l’accès aux soins de santé décourageant, entraînant de l’anxiété et des malentendus. Le fait de parler couramment le mandarin m’a permis d’entrer en contact avec des patients qui parlent cette langue, en particulier les personnes âgées qui sont souvent confrontées à des barrières linguistiques. De nombreux patients sont souvent trop gênés pour admettre qu’ils ne comprennent pas les informations médicales, mais en tant que prestataire de soins de santé, je peux reconnaître ces indices et fournir une traduction et une explication immédiates. Cette capacité à combler les lacunes linguistiques et à prodiguer des soins adaptés à la culture est inestimable pour instaurer la confiance et garantir une communication efficace avec mes patients.

Q : Parlez-moi de votre pratique?

Nous fonctionnons comme un cabinet de groupe; nous partageons le même espace clinique tout en gérant nos propres patients. Ensemble, nous veillons d’abord à ce que nos patients aient accès à des soins de qualité. Par exemple, nous proposons des cliniques de soins urgents le soir et le samedi pour répondre aux besoins médicaux immédiats. Dans ces cliniques, nous recevons tous les patients, peu importe leur médecin traitant, pour étendre ainsi notre disponibilité au-delà des heures normales de bureau

En ce qui concerne la croissance de la pratique, je me suis rendu compte que la demande était plus importante que ce que j’avais initialement prévu. J’ai été en mesure d’élargir rapidement ma base de patients, en organisant au moins vingt séances de rencontre par semaine pour accueillir les nouveaux patients. Ces séances permettent aux gens de faire ma connaissance, de visiter notre clinique et nos installations. Mon objectif est de donner un aperçu de mon approche des soins de santé, afin de permettre aux patients potentiels de déterminer s’ils se sentent à l’aise pour me confier leurs besoins médicaux.

Il est essentiel pour nous de respecter les principes de non-discrimination dans les soins aux patients. En tant que médecins de famille, nous nous engageons à servir tous les patients, quelles que soient leurs origines. Pour moi, ce qui compte par-dessus tout, est de m’assurer que les patients se sentent à l’aise avec nous, et s’ils le sont, je les accueille volontiers dans notre pratique.

Q : Comment vivez-vous le fait d’être nouveau médecin?

Parfois, je l’admets, je me fais souvent dire que je suis tellement jeune. En tant que jeune médecin, cela ne me dérange pas trop. Je sais qu’en tant que nouveau médecin, il y a des choses que j’ai apprises qui sont encore tout récentes, des preuves actualisées, mais il me reste encore beaucoup à apprendre. Et cela vient avec le temps et l’expérience.

Tout le monde dit qu’au cours des cinq premières années d’exercice, il faut apprendre rapidement parce que, tout d’un coup, nous avons des clientèles de mille patients ou plus avec plusieurs besoins complexes. C’est justement dans ces cas-là que nous avons besoin que nos collègues spécialistes interviennent et donnent des conseils. En tant que nouveau médecin, je fais appel à mes amis spécialistes ou à d’autres médecins de famille pour leur poser des questions, du genre « Que feriez-vous dans ce cas particulier? »

Les modules fournis par la FÉMC sont également très utiles. Je les utilise depuis que je suis stagiaire et je les adore. Leur format condensé est très convivial et contient toutes les informations récentes. J’aime particulièrement les vignettes cliniques, car c’est ainsi que nous apprenons le mieux. En tant que médecin de soins primaires, il est toujours utile de pouvoir se référer aux organigrammes et aux diagrammes. Je disais justement à mes étudiants ce matin que nous avons tous nos petites ressources. Les miennes sont numérisées sur OneNote. J’enregistre les organigrammes, les lignes directrices, les tableaux provenant de toutes sortes de ressources, de modules, de revues cliniques, de sorte que si jamais j’en ai besoin dans une clinique, je peux les consulter et avoir un coup d’œil rapide du bon choix ou du meilleur choix pour le patient.

L’apprentissage et l’éducation médicale ne doivent jamais cesser. C’est un parcours d’apprentissage à vie pour tout médecin. Je pense que c’est la raison pour laquelle j’aime tant enseigner les compétences cliniques, car je suis à la fois une enseignante, mais en même temps, je continue à apprendre beaucoup. Nous partageons également nos expériences avec nos collègues lors de nos sessions d’apprentissage en petits groupes. Dans mon groupe, la plupart des médecins exercent depuis plus longtemps que moi et, en tant que médecin débutant, il est très utile de parler de cas, de revoir les sujets des modules, de discuter des ressources que nous pourrions utiliser.

Ce qui m’a d’abord inspiré, c’est le temps que j’ai passé en résidence. Au cours de ces années, nous nous réunissions pour réviser les modules ensemble. Bien que nous n’ayons pas l’expérience pratique de certains de mes collègues actuels, notre objectif était d’acquérir des connaissances et de comprendre les différentes approches en matière de soins aux patients. En tant qu’une des résidents en chef, j’ai souvent pris l’initiative d’animer ces sessions, ce qui m’a permis d’acquérir des perspectives inestimables et une expérience supplémentaire.

Je pense également que les modules aident à se préparer aux examens. Les informations sont toutes fondées sur des données probantes, c’est pourquoi elles sont particulièrement utiles pour notre examen de permis d’exercice. Dans le cadre de cet examen, il faut être en mesure de réfléchir à des questions plus complexes, d’utiliser des approches plus critiques des cas plutôt que des connaissances purement didactiques. Les cas cliniques des modules mettent l’accent sur des questions clés, telles que : Quels sont les traitements et les diagnostics possibles? La façon de penser correspond à celle que vous souhaitez adopter en tant que praticien, mais aussi à la façon dont vous souhaitez aborder toute situation clinique, qu’il s’agisse d’un examen ou de la vie réelle.

Q : Comment voyez-vous votre parcours pour les cinq premières années de votre pratique?

C’est une bonne question. En fait, j’y réfléchissais justement aujourd’hui. Lorsque j’ai ouvert mon cabinet, j’imaginais que ma clientèle serait constituée de patients très diversifiés, d’abord des nouveaux arrivants, en particulier ceux qui parlent le mandarin. Je me demandais si ma pratique serait davantage orientée vers les personnes plus âgées, car notre population vieillit. Mais pour l’instant, ma pratique semble attirer une population plus jeune. Je pense donc que je verrai beaucoup de jeunes couples, de jeunes familles, de jeunes patients qui vieilliront avec moi.

Ce qui est vraiment unique et qui rend ce travail vraiment spécial, c’est que je vois toutes ces familles vivre ensemble leurs expériences de vie, qu’elles soient positives ou plus difficiles. En tant que médecin de famille, vous les accompagnez tout au long de leur vie. Il est donc difficile de dire à quoi ressemblera la situation dans cinq ans, mais je prévois l’arrivée d’un grand nombre de nouveaux membres de famille, notamment de jeunes bébés et de jeunes enfants.

J’ai l’intention aussi d’intégrer la santé des femmes dans ma pratique, et je pense qu’il s’agira d’une activité à développer. Et, comme je l’ai mentionné, nous avons également une population vieillissante dont les besoins sont toujours uniques. Il n’y a donc pas de solution unique.

Q : Compte tenu des connaissances des personnes présentes autour de la table, combien de fois présentez-vous à votre petit groupe des questions sur votre propre pratique que vous voudriez éventuellement intégrer?

Personnellement, j’apprécie beaucoup cet aspect du groupe. Je me souviens que le premier module que j’ai étudié était celui sur la chirurgie bariatrique, lorsque j’étais stagiaire. Je me souviens d’avoir regardé l’annexe et d’avoir conservé cette image en me disant que j’allais devoir considérer tous ces renseignements nutritionnels pour soigner le patient. Puis toutes ces complications qui peuvent survenir dans les années suivantes, peut-être pas immédiatement, et auxquelles je dois penser. Mais maintenant que j’ai ces ressources à portée de main, je me sens plus confiante et plus prête à faire face à certaines situations.

Aujourd’hui, en tant que participante à des sessions en petits groupes, mon point de vue a bien sûr changé. Ainsi, pour notre prochaine réunion en petit groupe, j’ai choisi le thème des saignements utérins anormaux. J’ai choisi ce sujet parce que je pensais au début que je maîtrisais assez bien ce sujet, que je pouvais faire face à tout ce qui se présenterait. Mais récemment, alors que je commençais à exercer, j’ai été confrontée à des cas cliniques pour lesquels j’ai effectué tous les tests que l’on m’avait enseignés, mais nous n’avons pas trouvé de réponse à la question de savoir pourquoi les saignements menstruels d’une patiente étaient si irréguliers. Je me sentais donc un peu perplexe. Il est difficile d’envoyer immédiatement une demande de consultation sans avoir encore une idée de la raison de cette consultation. J’ai donc choisi ce sujet exprès pour demander l’avis de mes collègues plus expérimentés. Ce type de contribution et de rétroaction est inestimable pour moi, d’autant plus que nos sessions en petits groupes sont ouvertes et transparentes, et se déroulent dans un environnement sans jugement.

J’apprécie également les sessions parce qu’elles nous donnent l’occasion de nous réunir, non seulement pour acquérir des connaissances médicales, mais aussi simplement sur le plan social, pour nous soutenir les uns les autres. Je pense qu’il est agréable d’avoir un groupe de médecins de famille qui comprennent ce que les autres vivent, de discuter et de se dire que tout va bien. J’ai été à votre place. Voici ce qui s’est passé. C’est très rassurant et cela m’aide à grandir et à me développer à plusieurs niveaux en tant que médecin de famille.